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À LA CROISÉE DES ÂMES

La Nature ne produit pas d’art, n’est-ce pas ? L’art surgit de l’imagination humaine. Soit par sa production, soit simplement par son regard sur les productions naturelles.
Un arbre, par exemple, tout magnifique qu’il nous apparaisse est en fait là sans intention à notre égard, ni à l’égard de qui ou quoi que ce soit ! Il est là parce qu’il est, comme nous sommes, sans être la création de quiconque (sauf peut-être de nous-même…). Pourtant notre regard sur l’arbre, ou notre regard sur nous-même, voire notre regard sur toute chose (objet ou sujet) transforme l’observé en œuvre : l’œuvre de notre observation, que nous allons attribuer presqu’inévitablement à une autre origine, la plupart du temps à une mystérieuse puissance créatrice transcendante. Est-il nécessaire de nommer les innombrables concepts inventés pour cela ?

La Nature ne produit pas d’art, n’est-ce pas ? L’art surgit de l’imagination humaine. Soit par sa production, soit simplement par son regard sur les productions naturelles.

Un arbre, par exemple, tout magnifique qu’il nous apparaisse est en fait là sans intention à notre égard, ni à l’égard de qui ou quoi que ce soit ! Il est là parce qu’il est, comme nous sommes, sans être la création de quiconque (sauf peut-être de nous-même…). Pourtant notre regard sur l’arbre, ou notre regard sur nous-même, voire notre regard sur toute chose (objet ou sujet) transforme l’observé en œuvre : l’œuvre de notre observation, que nous allons attribuer presqu’inévitablement à une autre origine, la plupart du temps à une mystérieuse puissance créatrice transcendante. Est-il nécessaire de nommer les innombrables concepts inventés pour cela ?

Je vous propose plutôt de nous concentrer sur cette projection immédiate qui fait que nous accordons une valeur à tout ce que nous observons : de la pire, la valeur « zéro », pour ce que nous négligeons, ce que nous oublions aussitôt, aux valeurs les plus fortes, que nous allons appeler « beauté » ou « laideur ». Bien sûr, sur toute la hiérarchie de jugements, les mots seront moins précis, pas toujours conscients, et parfois l’ambivalence l’emportant, il sera difficile de savoir ce qui l’emporte : dégout ou inclination, amour ou haine, attirance ou rejet… Mais l’intensité de l’attraction dès lors que nous sommes sortis de l’indifférence, caractérise notre présence à notre observation, et ne pouvons échapper à cette nécessité de jugement esthétique, voire moral. Une fois que nous avons fait naitre cette valeur, en transformant en Art le fruit de notre observation (par la photo, la poésie, la peinture, la sculpture, …ou notre regard), nous y sommes confrontés : l’émotion vécue d’un instant est fixée. Nous pouvons y retourner encore et encore : admirer l’œuvre, ou la déprécier, ressasser ce qui nous touche, agréable ou désagréable, piégés dans cette fascination avec une certaine satisfaction.

Car, au fond, le discours intérieur qui émerge face à ce qui nous a touché est secondaire au regard du ressenti ; il semble être plus un filtre sécurisant que l’expérience réelle. Ne pourrions-nous dire que la fonction de l’œuvre d’art est de provoquer des émotions pour contacter en priorité notre subconscient ? Celui-là prend alors la direction de notre mental pour déclencher l’apparition de nos figures intimes et de nos archétypes. La pareidolie, considérée comme une illusion, est de fait un phénomène inévitable, et ne se cantonne pas à la recherche de visages ou d’animaux dans toute forme imprécise : elle touche à mon sens toutes les sphères de la perception, y compris celles de l’audition et du toucher. Mais elle ne se met en route que dans le cadre d’un décalage avec le banal. Il faut un « trop » ou un « pas assez », il faut une imprécision, il faut un doute. N’est-ce d’ailleurs pas dans le flou de l’approche incertaine, dans le contact ténu, que se manifeste le désir, moteur et charme de la vie ?

 Dans la qualité spécifique de cette incertitude, se manifeste la puissance de l’acte de création. Acte de création qui n’est pas un acte outrancier et arrogant qui mettrait l’artiste dans la posture d’un être omnipotent, mais un acte intime, plein d’humilité. Il accepte de dévoiler une part de lui-même qu’il se sait incapable de contenir et de maîtriser, et prend le risque de le donner à autrui, l’inconnu. Des personnes diverses, par leur origine, leur sensibilité, leur vécu peuvent ainsi se rapprocher. Leurs aspirations profondes, lorsqu’elles ne sont pas enfermées dans la rigueur de la perfection, dans l’exactitude de la définition exacte, sont alors partagées, à la croisée des âmes.

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RÉACCORDER UN MONDE DE DISCORDES …

Qui aujourd’hui oserait prétendre que le monde va bien ? Qui pourrait dire que nous vivons dans l’harmonie ? les chantres du progrès qui continuent d’entrainer la société humaine vers plus de consommation, plus de prétendue science (mais surtout vers plus de technologies) eux-mêmes le reconnaissent : nous sommes emportés dans une tourmente dépressive. Seuls les cyniques et les abrutis bombent le torse. Emportés dans de sombres pensées sur l’avenir peu reluisant que la société humaine nous promet, nous observons catastrophes naturelles et guerres à travers des commentaires et des études statistiques qui ne peuvent nous convaincre que d’une chose : il doit y avoir une autre façon de penser le monde que celle qui nous entraine vers le pire depuis des décennies et que cultivent avec perversité nos dirigeants et leurs laquais !

Qui aujourd’hui oserait prétendre que le monde va bien ? Qui pourrait dire que nous vivons dans l’harmonie ? les chantres du progrès qui continuent d’entrainer la société humaine vers plus de consommation, plus de prétendue science (mais surtout vers plus de technologies) eux-mêmes le reconnaissent : nous sommes emportés dans une tourmente dépressive. Seuls les cyniques et les abrutis bombent le torse. Emportés dans de sombres pensées sur l’avenir peu reluisant que la société humaine nous promet, nous observons catastrophes naturelles et guerres à travers des commentaires et des études statistiques qui ne peuvent nous convaincre que d’une chose : il doit y avoir une autre façon de penser le monde que celle qui nous entraine vers le pire depuis des décennies et que cultivent avec perversité nos dirigeants et leurs laquais !

Nous sommes souvent partagés entre un désir d’ordre absolu, rassurant, qui nous dicte la solution adaptée à chaque situation, et un besoin moins facile à reconnaitre, de rechercher à chaque instant vécu la clef unique, non conventionnelle pour vivre une vie créative, plutôt qu’une éternelle répétition de schémas connus. Même si nous ne pouvons pas contrôler les circonstances de nos vies, nous espérons que nous avons un espace personnel qui nous permet d’être responsable et de générer des changements ! Face aux systèmes figés et répétitifs qui ne sont qu’une image de la mort, en tant que lieu ultime de l’impuissance, nous sommes appelés à être insoumis. La pulsation inextinguible de la vie nous dit qu’il y a sans cesse de nouvelles possibilités, qu’à chaque instant nous pouvons réorienter notre humeur, nos pensées, nos actions.

Pour cela il nous faut sortir du monde de la logique et de la comptabilité, nous ouvrir au monde du mystère : passer du rationalisme à la poésie. Accéder à notre âme de poète, c’est accepter de faire le lien entre le cosmos de notre petite personne et le cosmos infini qui nous entoure, entrer dans les profondeurs du vivant. Peut-être au fond est-ce l’acte le plus rationnel que nous puissions faire : ressentir que nous ne comprenons pas tout, que des liens invisibles nous relient à différents territoires que nous ignorons : un arbre est plus qu’un arbre, c’est un univers qui pulse à un autre rythme que nous et qui pourtant nourrit le nôtre, la fièvre est une tempête, le loup est un guide, la musique un médecin, la lune un vaisseau…

Dans le ciel aussi vaste que l’océan

Des vagues de nuages s’élèvent

Et le bateau-lune

S’éloigne à perte de vue

Dans la forêt d’étoiles

(Recueil de dix mille feuilles)

Il y a près de mille trois cents ans, un poète anonyme a écrit avec humilité cet hymne, effusion du cœur, et aujourd’hui, il percute notre vie avec une fraicheur qui nous rappelle que bien que maîtres de technologies époustouflantes, notre ultime et éternel besoin est d’être en harmonie avec le monde, et que l’esprit poétique nous y entraine.

Dans un monde blessé, sur une planète abimée, il est peu probable que les discours de certitude puissent réparer quoi que ce soit. Mais vivre chaque rencontre, produire chaque action avec l’âme d’un poète insuffle en nous-mêmes et autour de nous courage et espoir et reconnecte les vies divisées. Nous devrions tous être poètes.

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COMME CE CYGNE QUI NAGE SUR NOTRE ÂME TROUBLÉE…

COMME CE CYGNE QUI NAGE SUR NOTRE ÂME TROUBLÉE…
Crois-tu que tu puisses choisir à chaque instant la direction que tu veux prendre, ou que quelque soient les efforts que tu fais pour décider d’un avenir, tout est déjà écrit ? Souvent le monde se présente à nous comme un lieu de contraintes, un espace dans lequel nous ne pouvons que subir. En faisant au mieux les meilleurs choix dans ce qui nous est proposé, pour nous en sortir le mieux possible, pouvons-nous changer réellement notre destin ? Les souffrances de la vie humaine ne sont-elles pas inévitables ?
Pourtant nous ne cessons d’essayer de les éviter, ou tout au moins de ne plus les subir. Peut-être est-ce une attitude désespérée, mais peut-être cela vient-il d’une croyance profonde dans une autre possibilité : celle de créer l’avenir qui nous plaît.
« Espérer c’est démentir l’avenir »,disait Cioran. Mais quel avenir, si ce n’est celui que nous avons dessiné au moment où nous avons espéré ? Et cette détermination d’un avenir, qu’il soit souhaité ou détesté, provient de l’imprécision de l’instant, de notre incertitude sur la réalité, sur le présent et ses potentiels. Cette incertitude est une douceur, une faveur de la vie, qui nous permet de nous libérer de l’enfermement des certitudes.

Crois-tu que tu puisses choisir à chaque instant la direction que tu veux prendre, ou que quelque soient les efforts que tu fais pour décider d’un avenir, tout est déjà écrit ? Souvent le monde se présente à nous comme un lieu de contraintes, un espace dans lequel nous ne pouvons que subir. En faisant au mieux les meilleurs choix dans ce qui nous est proposé, pour nous en sortir le mieux possible, pouvons-nous changer réellement notre destin ? Les souffrances de la vie humaine ne sont-elles pas inévitables ?

Pourtant nous ne cessons d’essayer de les éviter, ou tout au moins de ne plus les subir. Peut-être est-ce une attitude désespérée, mais peut-être cela vient-il d’une croyance profonde dans une autre possibilité : celle de créer l’avenir qui nous plaît.

« Espérer c’est démentir l’avenir »,disait Cioran. Mais quel avenir, si ce n’est celui que nous avons dessiné au moment où nous avons espéré ? Et cette détermination d’un avenir, qu’il soit souhaité ou détesté, provient de l’imprécision de l’instant, de notre incertitude sur la réalité, sur le présent et ses potentiels. Cette incertitude est une douceur, une faveur de la vie, qui nous permet de nous libérer de l’enfermement des certitudes.

Il y a des gens dont le rôle est de cultiver cette incertitude : ce sont les poètes, les peintres, les sculpteurs, les musiciens, les chorégraphes… les artistes veulent faire apparaitre des mondes qu’ils ne connaissent pas encore, qu’ils ne peuvent pas même totalement conscientiser ! Parfois le font-ils d’ailleurs sans même le vouloir, en laissant la place à la vibration. Tout est vibration, dit-on.

Peut-être pourrions-nous dire plus modestement, moins surs de notre nouvelle compréhension du monde initiée par les découvertes de la physique quantique, que tout est vibrant. Et cette vibration de chaque être, chaque chose, chaque situation, chaque non être se manifeste par de l’imprécision. Imprécision, au regard de l’exactitude des actions naturelles. L’artiste abandonne volontairement une part de sa maîtrise pour faire apparaitre quelque chose qui ne semble pas sous son contrôle, qui émerge d’un lieu inconnu, peut-être d’un lieu qui n’existait pas encore ? Quelque chose de l’ordre de l’indéfinissable, qui pose plus de questions qu’il ne donne de réponses. Quelque chose qui trouble, déstabilise… nous en reparlerons.

Observons ce phénomène dans les arts plastiques. Prenons un dessin de visage ou de nu de Matisse : ce qui à première analyse semble un geste imprécis, au regard de l’anatomie, suggère en fait la vie palpitante, et non une simple copie banale, voire répétitive, d’un visage ou d’un corps dont on croit tout savoir.  Qu’est-ce qui entre dans l’œuvre par la place offerte par cette imprécision, par cette indétermination apparente ? Qu’est-ce qui est autorisé par cette vibration qui nous place dans l’incertitude ? Pourquoi le doute, le questionnement provoqués sont-ils si puissamment fascinants ? Je pense qu’ici l’imprécision est une sorte d’ouverture vers d’autres possibilités, une hésitation entre ce que l’on croit et ce que l’on pourrait croire, entre ce que nous considérons comme acquis et ce que nous pourrions ignorer. Lorsque la forme ne s’impose pas totalement, qu’elle n’est pas figée, qu’elle reste ambigüe, elle ouvre le chemin de la découverte de l’altérité, c’est-à-dire de l’autre : tout ce qui n’est pas moi, le grand mystère de l’univers. L’autre pénètre par toutes les pores de l’imprécision, l’imprécision offre la possibilité à l’autre (inconnu) d’être présent partout : c’est vertigineux.

Par l’approximation de sa connaissance de la langue française, Rilke offre un autre exemple caractéristique de cette puissance évocatrice de l’imprécision et du vertige qu’elle procure : elle donne un charme étonnant à ses vers, un tremblement, une fragilité ineffable. Nous sommes séduits et transportés par l’incroyable justesse des mots employés, qui auraient pourtant pu paraître inadaptés :

Un cygne avance sur l’eau entouré de lui-même, comme un glissant tableau ;

Ainsi à certains instants un être que l’on aime est tout un espace mouvant.

Il se rapproche, doublé, comme ce cygne qui nage sur notre âme troublée…

Qui à cet être ajoute la tremblante image de bonheur et de doute.

N’est-ce pas, au fond, une élucidation de ce que Ortega appelle la « vacillation métaphysique » ?  L’œuvre expose dans son imprécision constitutive, allant même jusqu’à l’indécision de l’émotion ressentie, un espace d’ouverture que nous n’avons pas vraiment envie de refermer. Un sentiment ambivalent nous submerge : l’autre, l’inconnu(e), pénètre dans notre existence par l’espace de la vacuité et provoque le vertige, réflexe de notre mental pour nous faire croire que nous sommes en danger.  Nous sommes pourtant déstabilisés avec bonheur. L’aventure de la relation au monde nous effraie, mais nous galvanise.

L’œuvre se manifeste alors comme le vestige de l’ancien monde, où l’autre a déjà pénétré et ruiné mon ordre sécurisant, pour le déverrouiller, le dilater, voire l’exploser. Ce vestige est la trace de l’incertitude de l’existence : n’est-il pas ce qui nous permet de rêver que nous ne sommes pas inscrits dans un sillon qui nous entraine impuissants, que nous pouvons vaincre notre passé et redéfinir notre destin ?

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LE TEMPS SUSPENDU

En vacances quelques jours à Nantes, j’ai effectué avec une amie « le voyage à Nantes », parcours d’œuvres d’art semées dans la ville, en extérieur et à l’intérieur d’expositions permanentes. Malgré la disparité de la qualité des œuvres présentées, parcours passionnant, car il m’a permis de découvrir la ville dans une autre perception. Dans cette perception décalée, le temps est découpé en périodes de banale appréciation de l’observation d’une ville agréable avec ses monuments, ses places, ses quais, ses rues piétonnes et ses passants, mais sommes toutes peu surprenante, et des interruptions provoquées par la rencontre avec les « œuvres » !

En vacances quelques jours à Nantes, j’ai effectué avec une amie « le voyage à Nantes », parcours d’œuvres d’art semées dans la ville, en extérieur et à l’intérieur d’expositions permanentes. Malgré la disparité de la qualité des œuvres présentées, parcours passionnant, car il m’a permis de découvrir la ville dans une autre perception. Dans cette perception décalée, le temps est découpé en périodes de banale appréciation de l’observation d’une ville agréable avec ses monuments, ses places, ses quais, ses rues piétonnes et ses passants, mais sommes toutes peu surprenante, et des interruptions provoquées par la rencontre avec les « œuvres » !

Tout à coup, on sort de l’évidence de notre rapport à notre environnement. On est choqué. Cette sculpture, là devant nous n’est pas normale ! Belle ou laide, elle s’impose à nous dans son incongruité. Parfois ce n’est que sa manifeste inutilité, parfois sa beauté ou sa laideur, qui nous fait marquer le pas. Mais si nous ne nous détournons pas immédiatement, si nous nous questionnons, c’est que nous sommes touchés, au point de rentrer dans un autre temps. Celui du ressenti tout d’abord. La sculpture se manifeste par son intensité. Ce qu’elle nous offre n’est pas banal. Soit parce que c’est hors d’échelle, soit par la nudité inhabituelle d’un personnage, soit par la présence d’êtres fictifs.

Nous voici rentrés en collision avec une œuvre. Nous recherchons peut-être uniquement à comprendre ce qu’elle nous dit, ou à comprendre l’intention de son auteur : pour la valider ou lui en faire le reproche ! Car parfois les œuvres sont accompagnées d’un discours justificatif long et ennuyeux, parfois un simple titre manifeste l’intention de l’auteur. Mais cette sculpture n’est-elle pas réalisée pour dépasser tout discours et nous toucher, non par des explications alambiquées, mais pas sa puissance expressive ? Il m’a semblé que plus le discours était long, moins l’œuvre me touchait : peut-être ne lisais-je le cartel que pour essayer de comprendre comment on justifiait un objet si grand, si cher et si peu intéressant…

L’œuvre produit par elle-même des émotions. Des avis aussi se présentent à notre esprit. Et elle interagit avec l’environnement, et nous sommes interpelés par le contraste avec la vie courante qui s’écoule autour. Sa statique (ou parfois sa répétitivité) sont en rupture avec la logique des activités humaines liées à des objectifs immédiats. Son existence même à cet instant de rencontre est un défi à la vie sociale, allant jusqu’à braver des interdits : ce nu ne révèle-t-il pas une sensualité interdite, ce totem n’approuve-t-il pas une religion insensée ?  Si les sculptures de nos jardins publics sont bien souvent peu visibles, c’est qu’elles représentent des injonctions du pouvoir en place de bien rester sagement à notre place. Pas de subversion, pas de tempête émotionnelle : il s’agit de montrer aux passants à quel point tout est en ordre. L’art d’aujourd’hui, en lutte contre l’hypocrisie du discours ambiant, veut retrouver une fonction perturbatrice, qui révèle nos ambivalences.  Cela est merveilleux, tant que la rencontre avec l’œuvre d’art est une aventure, ou notre monde intérieur apprivoise de libres émotions. Cela est ennuyeux, lorsqu’elle devient une leçon de bien-vivre.

« Demain, l’art sera dans la rue Monseigneur, l’art sera dans la rue » chantait Henri Tachan : serait-ce pour nous permettre de sortir du flux, nous donner accès, dans la tempête ou le silence, à l’instant sacré de la méditation ?

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L’EFFACEMENT, UN ACTE D’APPROBATION INTIME

Qui n’a pas souhaité effacer des parties de ses pensées, des parties de son passé ? Tenté de faire un tri de ce qu’il veut conserver et de ce qu’il veut oublier ? Souvent hélas, la tentative d’oubli se solde par une présence encore plus forte et plus douloureuse de ce qu’on voulait faire disparaitre…

On n’efface pas d’un coup d’un seul ! L’effacement est un processus, une opération de deuil progressif, une opération de révélation qui ne fonctionne que si nous reconnaissons la valeur de ce qui a été vécu, agréable ou désagréable.

Sinon, comment accepter que cela disparaisse ? Lorsque je reconnais l’intensité et la qualité de l’expérience dans sa plénitude, les lambeaux du passé réaniment de puissants souvenirs : s’il ne sont apparemment que virtuels, il n’en sont pas moins extrêmement présents !

Observer ce processus fait apparaitre la valeur de l’action du temps, lorsque l’invisible se révèle dans la place dégagée par l’effacement.

La poésie ne procède-t-elle pas également de l’effacement pour révéler ce qui est caché ? L’élision gomme l’habituel, l’évidence de la perception nourrie des répétitions quotidiennes, pour faire surgir le doute, l’ambiguïté. Dans cette incertitude, les idées, les images, les aspirations cachées apparaissent sans pouvoir être rejetées totalement.

En définitive, l’effacement est une technique pour manifester notre ambivalence dans la certitude de la présence de la matière et l’incertitude de la présence de l’invisible. Dans sa présence manifeste, la matière nous échappe dans son altérité absolue. L’effacement fait entrer en jeu un temps incertain (l’effacement parle-t-il du futur ou du passé ?) qui rend imaginables d’autres formes et d’autres textures : notre esprit peut alors prendre le pouvoir créateur et assimiler le réel selon ses propres désirs !

Sur l’océan démonté, l’écume dessine des lignes éclatantes de lumière, instables et persistantes. Portée par l’élan des vagues elle est la trace de leur disparition, l’ultime signal de ce qui vient de disparaitre absorbé par le vent et l’espace ensoleillé. Pourtant, dans notre rétine puis dans notre mémoire, elle persiste longtemps, plus marquante que les vagues elles-mêmes. Elle imprime dans notre esprit la puissance de la houle, exacerbe la force destructrice de la masse des vagues en mouvement. Cette dissolution révèle plus qu’elle n’efface.

L’écume au sommet de la vague est-elle encore la puissante énergie du courant, ou la délicate caresse de la lumière sur la bruine ?

La dentelle insérée dans un tissu réalise le même exploit. Le tissu se défait de sa continuité opaque, pour laisser apparaitre des vides révélateurs : le grain, la douceur, les courbes de la peau qui est derrière sont sublimés par cet effacement. Pour cela il faut une transformation de la matière, qui se structure en formes révélatrices : l’intention mise en œuvre par l’artisane de cacher et montrer simultanément nécessite une transmutation, du continu au discret, comme une condensation du matériau.

Finalement, il ne reste que l’essentiel, la gestalt, mais comme une trame vivante, mais hésitante : veut-on révéler la présence de la chair admirée, ou seulement l’esquisser avec pudeur ? 

L’effacement sert en fin de compte à faire apparaitre l’autre, l’espace que cachait la plénitude de la matière : l’absence, ou bien ce qui est caché, deviennent présents, très présents, guidés avec subtilité vers la conscience.

L’effacement peut encore se révéler d’une autre manière :  quand le chanteur soliste s’efface à l’intérieur d’un chœur, diluant les particularités de sa pâte sonore dans le son du pupitre et même du chœur, son émotion personnelle diminue au profit de l’ensemble vocal. L’égrégore ne révèle un ensemble d’harmoniques qu’à la condition sine qua non de cet effacement des individualités.

Dans ce cas, l’effacement nous guide vers l’universalité. Comme l’œuvre d’un artiste qui offre les qualités d’un rêve partagé par tant de personnalités différentes, et non plus l’unicité d’un objet, d’un paysage, d’une personne. Les oublis, les imprécisions, les effacements, libèrent une place pour une révélation des aspirations des êtres vivants : réalisées ou non réalisées elles existent d’autant plus qu’elles ne se révèlent que dans une élégante imprécision… une imperfection parfaite.

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EMPRUNTER LES CHEMINS INVISIBLES

Si j’accepte l’effacement de ce qui ne me convient pas, de ce qui ne me touche pas, pour restituer ce qui m’émeut, alors je suis en accord avec ce que je suis, mon véritable Soi. L’incertain devient un socle de ma sécurité. Une de ses œuvres nous parle d’un arbre qui n’est…

Qui n’a pas rêvé un jour d’être un oiseau, de défier les lois de la pesanteur, d’aller tout là-haut, d’atteindre le ciel sans limite, le lieu du mystère absolu de l’univers ?

J’étais à Essaouira, collé à la falaise, face au ciel d’un bleu limpide. Le vent violent de l’atlantique soulevait les embruns jusqu’à vingt mètres de haut, et dans ce tumulte furieux, les ricanements des mouettes accompagnaient leur ballet : par centaines, elles allaient et venaient dans des courbes sinueuses, brisées par des chutes soudaines pour pêcher un poisson avant de revenir dans la danse. Fascinant, éreintant mais inoubliable spectacle : mes neurones miroirs en pleine actions devaient virevolter avec confiance dans cette ronde infernale !

Il semble bien que l’oiseau soit un symbole de liberté. Mais quelle liberté ? Cherche-t-on seulement à s’extirper de la terre ?

Car les oiseaux sont tout aussi esclaves de la pesanteur que nous, et souvent bien ridicules au sol…

Mais cette vision de ce qui nous est impossible nous fait réaliser que c’est possible. Et il ne s’agit pas vraiment du fait de voler, du moins pas seulement.

Notre fascination est sans doute liée à plusieurs caractéristiques de cette illusoire liberté du vol : cette capacité de détecter et d’emprunter des routes invisibles qui nous suggère que nous pouvons également le faire, la beauté de l’action juste et fluide, la capacité de danser en harmonie avec un partenaire ou des milliers d’autres sans aucune erreur. L’oiseau est un maître du mouvement, c’est-à-dire de l’espace-temps.

. Il emprunte les routes invisibles ? Toi-même quand tu « prends ton envol », tu sors de ta condition d’être cloué au sol par des contraintes extérieures. Désormais la route est libre : pourquoi ? non pas parce que tu as trouvé ta place, ni parce qu’il n’y a plus d’obstacle, mais parce que tu as trouvé ton objectif et ton élan : tu maîtrise le mouvement. Et cet objectif est finalement le vecteur de ce chemin invisible que tu suis, quel que soit ton libre arbitre réel. Comme l’oiseau disparait au fond du ciel, monté très haut et très loin, sans que tu t’inquiète pour lui, tu sais que tu vas toi aussi aller très loin, très haut.

. Lorsque les mouvements impressionnants de l’oiseau qui s’élance d’un coup d’ailes sont fixés dans l’arrêt sur image d’une photo ou dans un ralenti de film, ils montrent une précision extraordinaire du geste et une détermination implacable dans l’action. On trouve d’ailleurs une beauté d’une même inspiration chez les danseurs dont chaque mouvement nécessite une mise en action totalement maitrisée des chaines musculaires guidée par une intention clairement ressentie.

. Les nuées d’oiseaux, ce qu’on appelle aujourd’hui « murmurations », dans lesquelles des milliers d’oiseaux forment un ballet aérien d’une précision sans faille, tout en montrant une variété infinie de formes parfois très complexes fonctionnent sur le lien de chaque oiseau avec 7 des ses plus proches congénères, et les limitations de leur vision sur un plan horizontal. Ils sont tout à fait fascinants, au même titre que les ballets dans lesquels nous suivons avec admiration les danseurs jouant simultanément le même jeu, la figure opposée, ou complexifiant avec harmonie les formes générales : une murmuration de danseurs.

Qu’est-ce cette métaphore de l’envol nous nous apprend sur nous-même ? Si toute la puissance et la précision mise en œuvre dans cet envol permettent à un oiseau une étonnante maitrise de l’espace et du temps, les efforts que nous produisons pour rendre possible notre propre envol nous permettent d’apprivoiser l’impermanence de la vie : vivre est ressenti comme un acte artistique.

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CHOYER L’INCERTITUDE POUR DOMPTER LA PEUR

T’es-tu déjà senti déboussolé devant une œuvre d’art qui te fascine ?Ça vient de m’arriver à l’exposition de Anna-Eva Bergmann (1909-1987) au MAM, tellement impressionnante par sa puissance, la continuité de l’intention au cours de toute une vie, et cela en dépit de l’incertitude qui se manifeste d’évidence à travers chaque toile, soulignée par cette originalité : l’utilisation des reflets changeants du métal argent ou or.

 

T’es-tu déjà senti déboussolé devant une œuvre d’art qui te fascine ?

Ça vient de m’arriver à l’exposition de Anna-Eva Bergmann (1909-1987) au MAM, tellement impressionnante par sa puissance, la continuité de l’intention au cours de toute une vie, et cela en dépit de l’incertitude qui se manifeste d’évidence à travers chaque toile, soulignée par cette originalité : l’utilisation des reflets changeants du métal argent ou or.

A partir du jour où elle écrit sur son journal « Jeg vil » (je veux !) chaque œuvre s’impose dans un espace d’incertain et de mystère : le sujet est pourtant sculptural, envahissant presque l’espace de la toile, mais la pierre flotte, l’épaisseur de l’arbre est fluide, la montagne est transparente, le soleil absorbe au lieu de rayonner, le totem bruisse de mondes parallèles… présence et incertitude coexistent, au point qu’on ne sait plus si on l’on peut accepter de se perdre dans cet Art, ou de si l’envie de fuir va l’emporter !

Ce tiraillement intérieur entre fascination et rejet, quand quelque évènement s’impose à toi, et tu en souffres sans pouvoir t’en extirper, alors qu’à priori tu es libre de le faire, n’est-ce pas un moment où tu fais face à l’ambivalence de ta Vie ?

Le moment où tu veux changer, t’ouvrir à de nouvelles possibilités, de nouvelles voies, saisi par la peur de quitter tes certitudes, ce qui te convenait si bien jusque-là : ton passé et celui de tous les tiens ?

 

Pour Anna-Eva, la clef a été d’exposer sa perception de l’incertitude inhérente au monde, de choyer cette incertitude : ce que je vois est impermanent, mais si je l’imprime au fond de mon être et le valide, cela devient sacré ! Si j’accepte l’effacement de ce qui ne me convient pas, de ce qui ne me touche pas, pour restituer ce qui m’émeut, alors je suis en accord avec ce que je suis, mon véritable Soi. L’incertain devient un socle de ma sécurité.

Une de ses œuvres nous parle d’un arbre qui n’est pas un arbre, mais une multitude de mémoires dans laquelle tu peux t’abreuver : c’est la cristallisation noire de la mort, c’est le vert jaillissant de la vie, c’est la brume argentée de la fuite du temps, c’est l’ancrage à la terre et l’apesanteur du rêve…

En définitive, elle nous dit que plus j’aime la vie incertaine et plus la présence de la mort est nourrissante.

 

Chaque instant qui s’achève ouvre la place à un autre instant plein de potentiels. Comme le mental se sécurise de la répétition (presque toutes nos pensées sont similaires jour après jour), mon cerveau m’oppose la peur de toute nouvelle voie. Mais si j’ai le courage de l’aventure, d’accueillir les blessures, les pertes, les disparitions comme des traces de la puissance de la Vie en action, et comme encouragements à une nouvelle expansion de ma vie, je dompte la peur et me reconnais dans mon ressenti unique et original de ce monde.

 

A la fin de l’exposition, on voit côte à côte des photos d’Anna-Eva travaillant dans son atelier à diverses époques. Dans les années 30, jeune et jolie femme, un peu ordinaire, joyeuse et séductrice ; dans les années 60, belle femme mure, sure d’une volonté farouche d’être elle-même ; enfin, vers 1975, elle n’a plus rien à prouver, elle sait qu’elle manifeste son existence à travers ce qu’elle fait. Son cœur fait le tri, ce qui ne touche pas le cœur reste dans l’oubli. Et dans ses dernières œuvres le dépouillement est total, il ne reste plus que l’essentiel, l’épure, le sacré. « Jeg vil » (je veux !) signifiait-t-il : « je veux ouvrir mon cœur, et ne créer que par lui » ?

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